DÉPRESSION se soigner en 10 étapes

Privés d’énergie, assaillis d’idées noires, les patients vivent la dépression comme un enfer. Pourtant, un traitement bien adapté permettrait de s’en sortir en quelques mois.

« D’ABORD, JE PRENDS CONSCIENCE DE MON PROBLÈME »

1. J’ai des pensées négatives

CaptureAu début de la dépression, les symptômes sont difficiles à identifier. On ressent un sentiment confus de tristesse et de ralentissement. « Toute la journée, j’avais hâte d’arriver au soir pour me réfugier dans mon lit et dormir. Mais le matin, le petit moteur qui tournait dans ma tête et m’envoyait des pensées négatives, repartait de plus belle. Et je ne comprenais pas pourquoi », raconte Clotilde.

Prisonnières d’elles-mêmes, les personnes dépressives réalisent mal ce qui leur arrive. Elles se coupent du monde extérieur et expriment leur malaise par des voies détournées : mal au dos, à la tête, au ventre… Leur entourage peut les aider à réagir, et ce d’autant plus qu’il ne va pas banaliser ces symptômes. Le Dr Alain Gérard, psychiatre, recommande aux familles de ne pas hésiter à tirer la sonnette d’alarme

« Inutile de dire à la personne qu’elle est déprimée. Cela ne ferait que la culpabiliser. Mieux vaut souligner le changement et lui conseiller de demander un avis médical. »

2. Je consulte un médecin Un généraliste ou un psychiatre ?

Il vaut mieux consulter d’abord son médecin de famille.

« Beaucoup de généralistes peuvent parfaitement soigner une dépression modérée. Mais lorsque les symptômes deviennent très intenses, avec un fort retentisse- ment sur la vie personnelle, professionnelle et familiale, le généraliste adresse le patient vers un spécialiste », assure le Dr Dominique Megglé, psychiatre.

L’important, c’est de trouver un médecin qui inspire suffisamment confiance pour « faire équipe » avec lui pendant plusieurs mois.

« Je conseille vivement de consulter et de garder un médecin avec lequel on se sent bien. C’est comme un couple. Pour réussir du bon travail, il faut être deux », assure Madeleine, une ex-patiente

3. J’admets que je souffre d’un trouble psychique

Le plus souvent, la dépression s’installe progressivement. Mais elle peut aussi survenir brutalement et sans raison apparente. Il ne s’agit pas d’un simple accès de faiblesse, mais d’une véritable rupture dans la vie du malade. Les fonctions cérébrales sont les premières touchées. « Tout se passe comme si l’ordinateur central se mettait à tourner au ralenti », dit le Dr Gérard. La mémoire et la concentration ne fonctionnent plus comme avant. La personne devient irritable et hypersensible.

Elle ne prend plus plaisir à ses activités et rumine des idées noires qui lui donnent un fort sentiment de dévalorisation et de culpabilité.

« J’étais terrorisée en permanence. La panique ne me quittait pas. En plus, je me sentais moche et j’avais l’impression de n’avoir plus rien d’intéressant à dire. Je n’arrivais pas à en parler car il m’était impossible de mettre des mots sur ce qui m’arrivait », raconte Marie-Jeanne.

« ENSUITE, JE ME SOIGNE »

4. Je prends des médicaments

En rétablissant les équilibres neurobiologiques du cerveau, les antidépresseurs aident le patient à sortir de la crise.

Les premiers signes d’amélioration se manifestent au bout de deux ou trois semaines de traitement. L’appétit, le sommeil, l’envie de vivre reviennent peu à peu. « La personne qui a reçu le bon produit à la bonne dose retrouve le moral en une dizaine de jours. À partir de là, elle peut commencer à prendre du recul et chercher à comprendre ce qui lui est arrivé », explique le Dr Megglé.

Mais beaucoup de patients se méfient encore des antidépresseurs. Par peur des effets secondaires, ils refusent d’en prendre ou arrêtent leur traitement trop tôt. « Il faut les rassurer, souligne le Dr Gérard. Ces médicaments sont très sûrs.

Ils ont peu de contre-indications et ne provoquent pas de dépendance, contrairement à une idée reçue.

Au début, il est conseillé de consulter son médecin tous les huit à quinze jours pour faire le point, essayer un nouvel antidépresseur si nécessaire, ou ajuster le dosage. On ne trouve pas forcément le bon produit du premier coup.

5. Je suis une psychothérapie

Au début du traitement, tous les malades ont besoin d’être soutenus, rassurés et encouragés par leur médecin.

Une personne qui reçoit le bon médicament à la bonne dose peut retrouver le moral assez vite. Dr Megglé, psychiatre

C’est ce qu’on appelle une psychothérapie de soutien. « Une dépression est le signe que la vie psychique patine. Notre rôle consiste à aider la personne à rembrayer pour qu’elle puisse repartir », observe le Dr Megglé.

Après avoir retrouvé leurs moyens physiques et intellectuels, certains patients pourront envisager une psychothérapie plus approfondie sur les conseils de leur médecin. Selon les cas, on oriente la personne vers un travail d’inspiration psychanalytique (le but étant de libérer la parole), ou une thérapie plus pragmatique et plus courte (thérapie cognitive, hypnose.. .). Le choix dépend du patient, de sa motivation, du temps qu’il peut y consacrer…

« L’objectif de la psycho-thérapie est d’activer chez la personne des ressources internes qu’elle a perdues de vue », précise le Dr Megglé.

6. Et si j’ai envie de mourir ?

Capture2La dépression plonge certains patients dans un abîme si profond qu’ils n’envisagent qu’une seule issue : le suicide. En France, les deux tiers des personnes qui mettent fin à leur jour sont en fait des dépressifs mal pris en charge.

En consultation, les psychiatres recherchent systématiquement ces idées de mort chez leurs patients et agissent en fonction de leur intensité.

L’hospitalisation est parfois nécessaire pour mettre la personne à l’abri.

« Les patients qui ont des idées suicidaires ne doivent pas hésiter à le dire à leur entourage ou à leur médecin. C’est un signe crucial. Elles sont réellement en danger », insiste le Dr Gérard.

7. Si je suis hospitalisée ?

L’hospitalisation, rare, est réservée aux patients en grande souffrance. Le séjour, la plupart du temps inférieur à un mois, permet de bénéficier d’un traitement plus intensif (médicaments en perfusion, entretiens quotidiens avec un psychiatre…). C’est aussi l’occasion de souffler, d’échapper aux soucis quotidiens. « Il faut envisager l’hospitalisation comme une mise au repos, un moyen de poser ses valises loin des contraintes externes : les enfants, le travail, etc. », souligne le Dr Gérard.

« J’ai fait plusieurs séjours à l’hôpital, raconte Madeleine. C’est vrai que l’environnement était déprimant, mais le traitement m’a fait du bien. Je me sentais encadrée et protégée. »

8 Si je rechute ?

La moitié des patients replongent après une première dépression, pour des raisons diverses. Une chose est sûre, beaucoup de personnes arrêtent les antidépresseurs trop tôt, dès qu’elles se sentent mieux. Pour le Dr Gérard et le Dr Megglé, c’est une erreur à ne pas commettre : « II est très important de continuer le traitement au moins trois mois après l’amélioration des symptômes, pour lui laisser le temps d’agir. »

A cette explication, ils en ajoutent une « Les rechutes surviennent aussi autre . lorsqu’on n’a pas traité ce qui se cachait derrière la dépression et qu’on n’a pas assez travaillé sur le plan psychologique. »

« ENFIN, JE VAIS MIEUX »

9. Je reprends peu à peu une vie normale

Certains patients devront prendre un congé-maladie le temps de récupérer toutes leurs facultés. Travailler, alors qu’ils sont handicapés par des difficultés de concentration et des pertes de mémoire, ne ferait que les enfoncer un peu plus dans la dépression. D’une manière générale, on conseille de bannir toute activité contraignante.

« La personne pourra reprendre progressivement une vie normale dès qu’elle retrouvera le plaisir de sortir et d’échanger avec les autres, sans avoir besoin de se forcer », assure le Dr Gérard.

Madeleine en témoigne : « Petit à petit, j’ai retrouvé le sourire. C’est comme si le soleil revenait. »

Un Retour vers appétit est un des signes de guérison

10. J’ai récupéré la qualité de vie d’avant

Pour le Dr Gérard, un patient peut s’estimer tiré d’affaire lorsqu’il a « retrouvé intégralement la qualité de vie d’avant la dépression : plaisir à vivre, intérêts multiples, sociabilité, bien-être physique, appétits divers… » Mais, vue du côté des malades, la notion de guérison est moins nette. Beaucoup restent profondément marqués par l’épreuve douloureuse qu’ils ont traversée. Clotilde a conscience de vivre « sur un terrain fragile ».

Madeleine va bien mais « ne se sent pas à l’abri ». Chantal pense qu’elle ne sera jamais vraiment tirée d’affaire et avoue qu’elle a « peur que ça revienne ».

En effet, on peut guérir… et récidiver quelques années après. « Certaines personnes restent très vulnérables », reconnaît le Dr Megglé, pour qui les crises dépressives marquent la difficulté à franchir les étapes de la vie.

« Lorsqu’un patient est pris dans une spirale, le médecin peut envisager de prescrire des antidépresseurs sur plusieurs années. » Ces dépressions « chroniques » ne touchent qu’un patient sur cinq. Dans la plupart des cas, la maladie ne sera plus qu’un mauvais souvenir après quelques mois d’une bonne prise en charge. »

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